Un nouvel agenda pour l’entreprise

Vingt thèmes à aborder dans les écoles pour instaurer un monde régénérateur et équitable.

L’impact

65+

organisations de jeunesse qui
ont contribué à la création du mouvement et du Manifeste

1500+

ancien.ne.s et étudiant.e.s ont reconnu le besoin de changer l’éducation sur la gestion du développement durable

100+

organisations de la société civile ont reconnu le besoin de changer l’éducation sur la gestion du développement durable

130+

dirigeant.e.s supérieur.e.s ont reconnu le besoin de changer l’éducation sur la gestion du développement durable

Lire le Manifeste

Big picture problems

Comme le rapportent de nombreux rapports, dont celui du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, et documentaires primés tels que Before The Flood, les changements climatiques sont la plus grande menace collective à laquelle l’humanité est confrontée.

Même en respectant les cibles de l’Accord de Paris sur le climat, le coût économique d’une augmentation de la température de 1,5 °C d’ici 2100 représente 54 000 milliards de dollars américains. L’humanité a moins d’une décennie avec les taux d’émissions actuels dans son budget carbone mondial pour rester en dessous de 1,5°C de réchauffement supplémentaire. Or, nous sommes présentement sur la trajectoire d’un réchauffement global d’au moins 3 °C. D’un point de vue strictement financier, une augmentation de température de 3,7 °C pourrait causer jusqu’à 551 000 milliards de dollars de dommages, soit plus que toute la richesse qui existe actuellement dans le monde. Comme l’a déclaré le PDG du géant de l’assurance AXA, un réchauffement de 4°C au cours de ce siècle rendrait le monde « inassurable ».

Les changements climatiques ne signifient pas seulement des étés plus chauds. Il existe une possibilité réelle qu’un réchauffement supplémentaire déclenche des boucles de rétroaction qui mèneront à des points de non-retour, avec le potentiel de mettre fin à la vie sur Terre et de rendre de nombreuses régions du monde inhabitables. Sept de ces quinze points de non-retour sont désormais classés comme « actifs », et deux ont déjà été dépassés.

Les changements climatiques alimentent déjà les migrations de masse et l’augmentation des conflits. Si les mesures prises ne sont pas suffisantes, il pourrait y avoir entre 150 et 300 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050.

Pour aggraver les choses, les changements climatiques ne sont que l’une des quatre limites planétaires que l’humanité a déjà franchies. Ces frontières régulent collectivement l’équilibre de la vie sur terre et sans elles, nous ne pouvons pas assurer des conditions stables pour l’existence humaine. 

Par exemple, la crise de la biodiversité de la planète est si grave que nombre de scientifiques affirment que nous vivons actuellement une sixième extinction de masse, une extinction causée par l’activité humaine. Les Nations Unies rapportent que plus d’un million d’espèces sont menacées d’extinction, ce qui augmente le risque d’effondrement total de nos écosystèmes. L’apparition de virus comme celui de la COVID-19 est aussi liée à la destruction des habitats, ce qui augmente la probabilité de futures pandémies. Alors que les peuples autochtones sont les meilleurs gardiens de la biodiversité mondiale, leur souveraineté est menacée dans de nombreux pays du monde, y compris au Canada.

Une autre menace majeure pour l’humanité est l’avenir de l’eau. Comme le montre le documentaire « The molecule that made us », il faudrait 6000 ans à l’aquifère d’Oglalla, dans le centre des États-Unis, pour se remettre naturellement des 40 à 50 dernières années de pompage des eaux souterraines. À l’autre bout du monde, 97 % des puits d’eau de la bande de Gaza sont impropres à la consommation humaine en raison de leur taux élevé de salinité et de pollution, et une population de deux millions de Gazaouis dépend d’un aquifère côtier qui est surpompé. Au niveau mondial, la demande en eau surpassera l’offre de 40 % en seulement 10 ans.  Nous devons mieux comprendre les liens directs et indirects entre l’eau et l’avenir des affaires, puisque la pénurie d’eau aura des conséquences géopolitiques et humanitaires sans précédent.

Questions pour auto-évaluer votre savoir : 

Les inégalités économiques mondiales ont atteint un pic historique, augmentant ainsi le risque d’instabilité économique et politique.

Selon le dernier rapport d’Oxfam sur les inégalités, les richesses du 1 % le plus riche de la planète correspondent à plus de deux fois la richesse de 90 % de la population mondiale. Au Canada, le 1 % le plus riche possède beaucoup plus de richesses que les 70 % les plus pauvres. Dans l’ensemble des pays à revenu élevé, les classes moyennes disparaissent alors que le coût de la vie augmente plus vite que l’inflation et que les salaires continuent de stagner.

Le rapport entre la rémunération des PDG et celle des travailleurs et travailleuses a explosé. Dans les années 50, un PDG moyen pouvait gagner 20 fois le revenu d’un ouvrier de production, alors qu’aujourd’hui, les PDG gagnent près de 300 fois plus.

La mobilité sociale a également diminué drastiquement, à tel point que le revenu des parents d’une personne est désormais le principal indicateur de son revenu futur.

Les femmes et les personnes noires, autochtones et de couleur gagnent moins et ont également moins d’épargne en raison du sexisme et du racisme systémiques, et de l’intersection de ces deux enjeux. Le transfert intergénérationnel de richesse accentuera très probablement les écarts de richesse liés à la race et au genre, et renforcera les inégalités existantes. 

Au Canada, les 87 familles les plus riches possèdent autant que les 12 millions de personnes les moins bien rémunérées, et la majorité de ces richesses ont été héritées plutôt que gagnées. Nous sommes également le seul pays du G7 à ne prélever aucun impôt sur les héritages et les dons.

Les raisons à la source de l’accroissement des inégalités économiques sont nombreuses. Toutefois, ce qui unit plusieurs de ces facteurs est une philosophie économique sous-jacente, communément appelée le « néolibéralisme », qui a pris de l’importance dans les années 1980. Le néolibéralisme suppose que le libre marché non réglementé entraînera une hausse des revenus pour tout le monde. Les approches imparfaites que sont la théorie du ruissellement et l’austérité, poussées dans le courant politique par une élite de riches propriétaires d’entreprises conservateurs, ont amené les gouvernements du monde à accorder des réductions d’impôts aux classes supérieures tout en supprimant les services sociaux pour le reste de la société.

Pour reprendre les mots d’Amory Lovins, « le marché est un superbe serviteur, un mauvais maître et la pire des religions ». Nous devons surmonter l’idéologie du fondamentalisme du marché et travailler à rééquilibrer le pouvoir entre les secteurs public et privé.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

La prospérité des économies nord-américaines a été en grande partie construite sur la base du racisme systémique, du colonialisme et du néocolonialisme. Les anciennes puissances coloniales ont « créé » une grande partie de leur richesse en volant les ressources naturelles des communautés colonisées au fil de siècles de dépossession des terres, d’asservissement et de génocide.

Non seulement la crise climatique est causée par ces injustices, mais ces inégalités elles-mêmes exacerbent l’injustice climatique. Les 10 % les plus riches de la population mondiale, qui comprennent les personnes dont le salaire est supérieur à 45 000 $ CA par an, sont responsables d’environ 52 % des émissions mondiales entre 1990 et 2015. Cette statistique n’inclut pas les émissions historiques de la révolution industrielle, comme le montre la Carte du carbone. Les pays qui ont le moins contribué à la crise climatique sont ceux qui vont le plus en souffrir, et les pays précédemment colonisés sont parmi les plus exposés aux risques climatiques

En tant que futur·es diplômé·es en gestion, nous devons comprendre cette inégalité flagrante en gardant à l’esprit que le salaire moyen des personnes titulaires d’un baccalauréat en administration des affaires (BBA) est de 59 000 dollars canadiens, ce qui nous place parmi les 10 % les plus riches de la population mondiale.

Si le Canada intégrait la responsabilité historique dans ses engagements climatiques, notre juste part pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C consisterait à réduire nos émissions de GES de 140 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005, avec des réductions d’au moins 60 % à l’échelle nationale. Les nouveaux objectifs climatiques du Canada sont encore insuffisants, puisqu’ils ne représentent qu’une réduction de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005.

Même dans les pays à revenu élevé comme le Canada et les États-Unis, la vulnérabilité climatique et la pollution atmosphérique perpétuent l’injustice environnementale. Les communautés à revenus plus faibles, qui sont également disproportionnellement des communautés noires, autochtones et de couleur, sont plus susceptibles de souffrir de maladies respiratoires, entre autres parce que les logements les moins chers se trouvent souvent sur des routes achalandées et à proximité d’installations industrielles. Aux États-Unis par exemple, les personnes noires sont exposées à 56 % plus de pollution qu’elles n’en causent, alors que les personnes blanches respirent 17 % moins de pollution atmosphérique qu’elles n’en produisent. Au Canada, des schémas similaires de racisme environnemental existent avec les peuples autochtones et d’autres groupes racialisés.

Alors que plusieurs personnes dans les pays à revenu élevé craignent la surpopulation, il est important de comprendre qui consomme réellement la plupart des ressources mondiales. Les Américain·es représentent moins de 5 % de la population mondiale, mais consomment près de 20 % de toute l’énergie et produisent près de 20 % des déchets mondiaux. Les Canadien·nes produisent trois fois plus d’émissions de carbone par personne que la moyenne des pays du G20. Notre principal problème n’est pas la surpopulation, mais plutôt une répartition des ressources inadéquate et injuste.

On estime qu’il y aura entre 150 et 300 millions de migrants climatiques d’ici 2050, et que plusieurs de ces personnes seront forcées de se déplacer, indépendamment des mesures que nous prenons aujourd’hui. Bien que la plupart migreront localement, le Canada doit mieux comprendre l’impact que les changements climatiques auront sur l’immigration et se préparer à accueillir ces nouvelles personnes dans notre société et notre économie. Au-delà de la responsabilité climatique que nous avons envers ces migrants, l’immigration représente une grande opportunité économique car elle peut compenser les effets du vieillissement de notre population tout en faisant croître notre économie et en répondant à l’importante pénurie de main-d’œuvre actuelle. Parallèlement, nous devons tirer des leçons des erreurs commises par d’autres pays progressistes, comme le Danemark, qui ont érodé la confiance en la social-démocratie en créant une forme « d’État-providence nationalisé » qui affaiblit le filet de sécurité sociale par des réformes antidémocratiques, tout en excluant les populations migrantes. Le Canada a la responsabilité d’éviter de suivre une voie similaire afin de garder ses frontières ouvertes, surtout compte tenu de la quantité croissante de terres habitables dont nous disposons. Bien que de nombreuses solutions devront provenir des secteurs public et social, le secteur privé doit soutenir ces changements et saisir les opportunités qu’ils présentent.

La stabilisation du climat exige de garder le carbone dans le sol et hors de notre atmosphère. Cependant, la plupart des plus grands réservoirs de carbone non exploités se trouvent sur des terres appartenant à des populations à revenu faible qui ont peu contribué aux changements climatiques. Il serait injuste de demander à ces pays de renoncer à développer leurs ressources énergétiques, et le gain économique qui en découle, afin de résoudre un problème causé de manière disproportionnée par les nations les plus riches. Afin de faire avancer la justice climatique, les pays qui ont bénéficié économiquement du développement des combustibles fossiles devraient dédommager les pays à revenu faible pour qu’ils gardent leur carbone dans le sol ou hors de l’atmosphère.

Il y a de nombreuses façons pour les pays riches d’honorer nos dettes climatiques sans encourir des coûts financiers trop élevés. Nous pourrions effacer les dettes extérieures actuellement dues par les pays à faible revenu en échange de mesures climatiques, ou encore assouplir les brevets sur l’énergie verte et partager notre propriété intellectuelle. En outre, les coûts de compensation ne devraient pas être assumés par les contribuables, mais plutôt par les entreprises qui ont le plus contribué à cette crise. Des instruments efficaces pourraient inclure des mesures de type « pollueur-payeur », une taxe sur les transactions financières et une réduction des subventions aux combustibles fossiles.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Comment la colonisation a-t-elle contribué aux déséquilibres de pouvoir entre les nations et communautés modernes? 
  • Quelles sont les pratiques commerciales innovantes qui ont émergé des communautés autochtones et des pays à revenu intermédiaire?
  • Que vous apprend-on sur le rôle du leadership autochtone dans la construction de communautés plus résistantes et plus prospères?
  • Que pourrait faire votre entreprise actuelle ou future pour intégrer la justice climatique dans sa mission et ses activités? 

Alors que des mouvements populistes continuent d’émerger partout dans le monde, les conflits internes du Canada sont de plus en plus visibles. 

Les relations entre les provinces sont de plus en plus tendues, alors que les régions dépendantes de l’extraction du pétrole et du gaz comme l’Alberta souffrent d’une crise économique causée par la faiblesse du prix de l’énergie. En tant que Canadiens et Canadiennes, nous devons être en mesure de reconnaître et d’apprécier les avantages économiques créés par notre secteur pétrolier et gazier au cours des dernières décennies, qui a produit et attiré certains des plus grands innovateurs énergétiques au monde qui seront indispensables pour la transition énergétique à réaliser. La crise de notre secteur énergétique n’est pas seulement le problème de l’Alberta, mais celui de tout le Canada. Au lieu de travailler dans des directions opposées, nos gouvernements doivent collaborer pour définir les paramètres de l’innovation. Nous avons besoin d’une certitude politique sur la restriction des émissions en fonction de nos limites planétaires pour soutenir notre transition vers une économie carboneutre d’ici 2050

Cependant, la transition verte doit également être socialement juste, avec de la formation et du soutien pour les travailleurs et travailleuses actuel·les des industries à fortes émissions pour leur permettre de se requalifier et de trouver de nouvelles opportunités dans une économie sobre en carbone. La bonne nouvelle est que les investissements verts, tels que les dépenses dans les transports publics ou la rénovation des bâtiments, sont parmi les instruments de création d’emplois les plus efficaces qui soient. Les économistes ont constaté que sur les cinq politiques de relance ayant le plus grand impact économique par dollar dépensé, quatre sont directement liées à la décarbonisation. En même temps, nous devons comprendre que s’adapter à la transition verte n’est pas aussi simple que de trouver un nouvel emploi, et qu’il est nécessaire d’aider les communautés touchées à s’adapter psychologiquement et culturellement à une nouvelle réalité.

Il est également essentiel que nous reconnaissions et respections les deux langues officielles de notre pays. L’espace d’action climatique est souvent monopolisé par des personnes et des organisations anglophones, et les efforts pour assurer la circulation de l’information de/vers les francophones font souvent défaut. Ceci est particulièrement problématique étant donné que le Québec est l’une des rares juridictions dans le monde qui produit de l’électricité presque 100 % renouvelable avec le potentiel que ses émissions deviennent négatives. Le Québec compte également la plus grande économie sociale du pays, avec des revenus de près de 50 milliards de dollars canadiens, et offre des opportunités commerciales uniques sobres en carbone pour les entreprises de tout le pays. Ce potentiel, actuellement menacé par des projets récents et à venir, pourrait aider le reste du pays à passer à une économie moins émettrice de carbone. Nous devons reconnaître le leadership historique unique que le Québec a exercé par le passé, et œuvrer pour surmonter la discrimination à laquelle les communautés francophones sont confrontées dans les autres provinces.

De nombreuses autres provinces et territoires abritent également des idées uniques et innovantes. Par exemple, la Colombie-Britannique est récemment devenue la première province du pays à créer un cadre législatif qui soutient les entreprises qui veulent fonctionner de manière plus responsable pour le bien public. Les déclarations ultérieures du Manifeste et les solutions proposées doivent être comprises à la lumière de ces réalités provinciales.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Que faites-vous pour étendre votre réseau à travers le pays et comprendre la politique des autres provinces et territoires?
  • Est-ce que les conférenciers et conférencières invité·es dans vos cours et vos activités scolaires proviennent de différentes provinces et territoires?
  • Que faites-vous pour vous assurer que les connaissances que vous produisez et les événements que vous organisez sont accessibles aux anglophones et aux francophones?

Click here to see questions to self-assess your knowledge.

Solutions Conventionnelles

Le mouvement pour la responsabilité sociale des entreprises se heurte à de sérieuses limites. De nombreuses entreprises travaillent en coulisses à réduire l’État-providence en faisant du lobbying contre les réglementations environnementales et sociales, tout en accomplissant simultanément des actes de bienfaisance qui ont peu d’impact global et servent principalement à améliorer la réputation de la marque.

Les entreprises qui sauront identifier les opportunités commerciales en résolvant les problèmes sociaux et environnementaux se trouveront mieux équipées pour la réforme capitaliste qui s’impose. C’est l’idée qui sous-tend la création de valeur partagée, par le biais du triple bilan, qui intègre l’impact social ou environnemental positif au cœur du modèle d’affaires de l’entreprise. Les entreprises certifiées B Corp, qui regroupent près de 4000 entreprises de 150 industries réparties dans le monde entier, sont un exemple de ce nouveau type d’entreprise.

Il existe de nombreux exemples de décisions commerciales réussies qui équilibrent le profit, la planète et les personnes. Un rapport récent de Corporate Knights détaille les 50 décisions d’affaires qui ont le plus contribué à la protection de la planète au cours des 50 dernières années. Le projet Drawdown a aussi identifié les 100 solutions climatiques les plus efficaces qui représentent également des opportunités commerciales durables.

À une époque où l’activisme des employés et employées devient plus puissant que celui des PDG, il est crucial de donner à la prochaine génération de chefs d’entreprise les moyens de devenir des intrapreneurs sociaux capables de changer leur entreprise de l’intérieur. Les employés doivent être capables de comprendre la différence entre l’écoblanchiment (greenwashing) et le développement durable des entreprises. Des documents en accès libre sont disponibles pour aider les employés et employées, notamment ce guide contre l’écoblanchiment. Les PDG et la haute direction doivent également soutenir l’activisme de leurs employé·es et les encourager à donner de leur temps pour des causes communautaires importantes.

Cependant, « faire le bien » ne peut plus reposer uniquement sur le bénévolat. Le gouvernement doit définir les paramètres planétaires et sociétaux dans lesquels les entreprises peuvent opérer afin de garantir que l’intérêt de la société ne passe pas après celui des actionnaires. En attendant que des réglementations appropriées soient adoptées, la collaboration avec la concurrence et l’anticipation des réglementations futures peuvent également apporter des solutions innovantes.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

En 2015, les Nations Unies ont présenté les Objectifs de développement durable (ODD), un programme mondial pour 2030 qui a été adopté par tous les États membres de l’ONU.

Les ODD constituent un de prospérité partagée entre tous les peuples et la planète que nous habitons. Les 17 objectifs de développement durable représentent un potentiel de 12 000 milliards de dollars pour les entreprises responsables d’ici 2030

Pour atteindre ces objectifs, les entreprises peuvent s’appuyer sur le Pacte mondial des Nations Unies, la plus importante initiative en matière de développement durable dans le monde, qui fournit les outils, l’éducation et les réseaux nécessaires aux entreprises pour qu’elles deviennent de meilleurs citoyens corporatifs.

Pour modifier notre façon d’aborder l’enseignement de la gestion durable, les écoles de commerce doivent prendre l’initiative et définir de nouveaux standards. C’est pour cette raison que le Pacte mondial des Nations Unies a créé l’initiative PRME (Principles for Responsible Management Education), qui a développé le cadre des ODD pour les écoles de gestion et établi une feuille de route pour l’intégration des ODD dans les programmes d’études, la recherche et les partenariats.

Malgré tous ces efforts mondiaux, 75 ans après la création des Nations Unies et 5 ans après la mise en œuvre de l’agenda 2030, « aucun pays n’est en voie d’atteindre les objectifs fixés par l’ONU », selon le Pacte mondial des Nations Unies.

Bien que plusieurs entreprises adoptent les ODD, la stratégie, les outils et la culture nécessaires pour transformer ces engagements en actions concrètes leur font encore souvent défaut. Cette situation mène certaines entreprises à recourir à l’écoblanchiment, aussi appelé SDG-washing en anglais. En effet, 72 % des entreprises citent les ODD dans leurs rapports mais seulement 23 % les intègrent réellement dans leur stratégie d’entreprise.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

Les chaînes d’approvisionnement durables peuvent jouer un rôle essentiel dans la création de communautés dynamiques au niveau national et international.

66 % des consommateurs et consommatrices dans le monde disent vouloir payer plus cher pour des marques durables. Cependant, la confiance des consommateurs et consommatrices étant en déclin, les organisations devront être plus transparentes pour éviter les accusations d’écoblanchiment. Pour regagner cette confiance, les organisations doivent cesser de rejeter la responsabilité de la consommation durable sur leur clientèle

La plupart des entreprises n’incluent pas de critères environnementaux ou sociaux dans leurs processus d’achat. Pour contrer cette tendance, nous devons enseigner et utiliser de nouveaux cadres de référence. Au Canada, un exemple est lapprovisionnement social, qui vise à capter les impacts économiques, environnementaux et sociaux positifs des achats pour les communautés locales. Pour les opérations internationales, les organisations peuvent mesurer les impacts de leurs produits ou de leurs chaînes d’approvisionnement en utilisant l’analyse du cycle de vie et l’analyse sociale du cycle de vie. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme constituent un autre cadre qui définit clairement les responsabilités des entreprises en matière de respect des droits de l’homme. 

Les entreprises doivent également faire progresser l’économie circulaire, avec des chaînes d’approvisionnement qui sont régénératives de par leur conception. Les entreprises doivent être responsables des produits à la fin de leur vie, en veillant à ce que tous les matériaux soient utilisés et que les ressources soient restituées à la Terre.

En 2019, une coalition de 34 grandes multinationales ayant des revenus de 1 000 milliards de dollars américains ont pris l’engagement de combattre les inégalités grâce à leurs chaînes d’approvisionnement en assurant une meilleure répartition des bénéfices économiques, contribuant ainsi à accroître la prospérité et la résilience des communautés dans lesquelles elles opèrent.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Comment pouvez-vous utiliser l’analyse du cycle de vie pour mesurer les impacts environnementaux et sociaux des produits, services et processus tout au long de la chaîne d’approvisionnement? 
  • De quel type de soutien les entreprises auraient-elles besoin pour faire la transition vers des pratiques d’approvisionnement plus durables? 
  • Quels sont les avantages associés à l’amélioration du bien-être des communautés locales où les entreprises opèrent?

Afin d’atteindre les objectifs climatiques du Canada dans le cadre de l’Accord de Paris, nous ne pouvons pas compter uniquement sur le cadre pancanadien en vigueur, qui permet une augmentation des émissions du secteur pétrolier et gazier, ne présente aucun plan pour près de 20 % des réductions proposées et inclut un prix du carbone trop bas pour être significatif.

Corporate Knights a récemment présenté six propositions dans son rapport « Building Back Better » qui permettraient à l’économie canadienne de s’engager sur la voie d’une économie propre. Ces propositions sont les suivantes : 

  1. Rendre les maisons et les bâtiments du Canada plus efficaces sur le plan énergétique
  2. Accélérer considérablement l’adoption des véhicules électriques et promouvoir la mobilité active;
  3. Rendre le réseau électrique plus écologique;
  4. Construire une économie circulaire et zéro-déchet tout en décarbonisant l’industrie lourde;
  5. Réinvestir dans notre capital naturel grâce au reboisement et à une meilleure gestion des terres;
  6. Créer un fonds d’innovation pour les ressources naturelles et les véhicules électriques afin de stimuler l’innovation dans les produits de base sobres en carbone et de stimuler la compétitivité du Canada sur la scène mondiale.

La campagne du « Green New Bill » a démontré que pour chaque 20 dollars investis dans une relance verte et juste, ce sont 308 dollars qui seraient ajoutés au PIB du Canada au cours des dix prochaines années. Si elles sont mises en œuvre simultanément, ces propositions pourraient créer plus de 6,7 millions d’emplois de qualité par an, permettre aux Canadiens de réaliser des économies d’énergie annuelles de 44 milliards de dollars et réduire d’un tiers nos émissions de gaz à effet de serre. 

Pour éviter un réchauffement de plus de 2 °C, le Canada doit maintenir 85 % de ses combustibles fossiles dans le sol. Pour ce faire, le Canada doit instaurer un budget carbone juridiquement contraignant, à l’instar de la loi du Royaume-Uni qui a permis une réduction des émissions de 51 % depuis 1990. Cette loi doit exiger des entreprises canadiennes qu’elles laissent les réserves de combustibles fossiles inexploitées dans le sol et qu’elles travaillent ensemble pour assurer une transition juste à tous les travailleurs et travailleuses du secteur pétrolier et gazier.

La « quatrième révolution industrielle » utilise la puissance des technologies numériques pour créer un système de réseau intelligent qui accélèrera considérablement l’adoption des énergies renouvelables. Toutefois, à travers ces efforts de décarbonisation plus que nécessaires, nous devons faire preuve de prudence face à certains effets involontaires qui pourraient compromettre nos efforts climatiques. Citons notamment : les effets rebond (p. ex. des économies réalisées grâce à l’efficacité énergétique qui entraînent une augmentation d’autres comportements à forte intensité en carbone); les technologies de transfert de problèmes (p. ex. des solutions à un enjeu environnemental qui créent de nouveaux problèmes); et les mécanismes de transfert de coûts (p. ex. l’externalisation des impacts environnementaux des pays à forte consommation vers les pays à faible consommation).

Ces effets involontaires pourraient entraver considérablement la capacité du gouvernement et des entreprises à réaliser leur promesse d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Celui-ci présente déjà de sérieuses lacunes puisque les compensations carbones ne fonctionnent pas aussi bien que nous le pensons, et que les réductions promises n’incluent pas les émissions de type 3, qui représentent la plus grande partie des émissions d’une entreprise.

Enfin, la transition du Canada vers une économie sobre en carbone exigera également que nous accordions beaucoup plus d’attention aux petites et moyennes entreprises, qui emploient 90 % de la population et émettent 200 millions de tonnes de CO2 par an. Il existe de nombreux autres mythes et hypothèses trompeuses sur les objectifs de carboneutralité que nous devons comprendre, comme l’ont fréquemment expliqué les plus grands climatologues du monde.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

La financiarisation de nos économies a de plus en plus dissocié les marchés des capitaux de l’économie réelle. Un récent rapport de la Banque des règlements internationaux a déterminé que la croissance du secteur financier a tendance à étouffer la croissance économique réelle. Depuis les années 1980, les entreprises ont investi moins de 10 cents de chaque dollar emprunté, tandis que les versements aux actionnaires ont presque doublé. Lorsque les capitaux affluent vers l’économie réelle, c’est généralement sans tenir compte des impacts sociaux et environnementaux.

Le plus grand transfert de richesse de l’histoire aura lieu au cours des 10 à 15 prochaines années, ce qui donne aux jeunes générations une énorme opportunité de gérer cette richesse de façon responsable. Si la jeunesse d’aujourd’hui n’est pas sensibilisée à sa responsabilité d’investir de manière durable, ce sera un désastre pour la société et l’environnement.

La finance responsable vise à investir dans des entreprises qui ont des stratégies claires pour améliorer leurs performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). De nombreux investisseurs sont en mesure à la fois de minimiser les impacts négatifs de leurs investissements et de conserver des rendements conformes au marché. En 2019, la somme totale des fonds investis dans la finance responsable est passée à 30 000 milliards de dollars américains. Malgré ce momentum prometteur, « la gestion passive au niveau mondial reste largement – à 95 ou 98 % – basée sur des indices passés et non sur des indices compatibles avec une trajectoire de 2 °C [d’augmentation de la température globale] », selon Philippe Zaouati, PDG de Mirova. Ainsi, il n’y a pas eu de réallocation massive du capital. Les gestionnaires d’actifs doivent utiliser le pouvoir de l’engagement des actionnaires pour faire pression sur les entreprises afin qu’elles deviennent plus durables. 

L’investissement d’impact, en comparaison, vise à investir dans des entreprises dont l’objectif principal est de s’attaquer à des problèmes sociaux ou environnementaux. En 2020, la taille du marché mondial de l’investissement d’impact était de 715 milliards de dollars américains. Au Canada, le secteur de la finance d’impact est également en pleine expansion : les grandes banques s’engagent dans ce domaine; les investissements dans la communauté locale et le leadership féminin sont en hausse; et le gouvernement fédéral a créé un fonds de finance sociale de 755 millions de dollars canadiens.

Il est essentiel de comprendre les différences entre la finance responsable et l’investissement d’impact, et comment les deux peuvent se compléter.

Le déficit de financement annuel en investissements à impacts positifs qui empêche la pleine réalisation des ODD s’élève à 2500 milliards de dollars américains par an. Bien que les dons de bienfaisance internationaux soient nécessaires combler ce déficit, ils ne permettront pas d’atteindre les ODD sans d’importants investissements privés.

Malheureusement, ces capitaux sont principalement utilisés pour obtenir des rendements au taux du marché, ce qui constitue un sérieux obstacle à la lutte contre certains problèmes sociaux et environnementaux. Les investisseurs et investisseuses et les entreprises doivent comprendre que toutes les solutions à fort impact ne peuvent pas être réalisées avec des rendements compétitifs au taux du marché; il faut parfois accepter un rendement financier plus faible afin d’obtenir un rendement social ou environnemental plus élevé. Certaines personnes disent qu’on ne peut pas faire le bien et bien performer, d’autres croient qu’on peut tout faire; la vérité se situe quelque part entre les deux.

Alors que plus de capital a récemment été alloué à la résolution de problèmes tels que l’inégalité raciale et de genre, les investisseurs d’impact doivent partager le pouvoir ainsi que le capital. Pour ce faire, il est nécessaire d’évaluer la dynamique de pouvoir dans les processus d’investissement. Un partenariat entre le Ministère australien des affaires étrangères et du commerce et le Fonds de finance sociale du gouvernement canadien a formulé sept questions pour aider les organisations à évaluer l’équité dans leurs processus d’investissement :

  1. À qui appartiennent les connaissances qui sont valorisées?
  2. Qui est considéré comme « digne » d’avoir accès au capital et aux ressources?
  3. Qui décide?
  4. Qui fixe le calendrier?
  5. Qui est informé·e de quoi et quand?
  6. Qui prend quel risque?
  7. Qui est incité·e à faire quoi?

Les marchés financiers sont aujourd’hui confrontés à de nouveaux risques en matière de développement durable qui peuvent avoir un impact considérable sur la valeur des actifs. L’un de ces risques est celui des « actifs irrécupérables », c’est-à-dire le fait que les réserves de pétrole et de gaz pourraient ne plus être économiquement exploitables à mesure que les pays prennent des mesures plus importantes pour lutter contre les changements climatiques. Avec l’augmentation rapide du soutien au Groupe de travail sur la divulgation financière relative aux changements climatiques, les entreprises commencent à divulguer les risques climatiques dans leurs rapports financiers et à se préparer à des réponses politiques telles que le système canadien de tarification du carbone qui internalisera les coûts qui sont actuellement externalisés. Enfin, on commence à reconnaître que la croissance économique infinie, sur laquelle repose la plupart des évaluations financières, ne peut se poursuivre indéfiniment dans un monde avec des ressources limitées.

En d’autres termes, nous avons besoin d’un plan concret et réaliste pour réformer notre système financier défaillant.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

Il existe d’innombrables parcours professionnels pour tenter de rendre le monde meilleur. Des initiatives de développement durable sont présentes dans presque toutes les industries et tous les secteurs, et elles exigent des compétences très variées. 

Nous avons maintenant besoin de plus de ressources de carrière pour soutenir les étudiants et étudiantes qui veulent intégrer le développement durable dans leur parcours professionnel, telles que : cinq conseils pour lancer votre carrière en développement durable, quatre étapes pour lancer sa carrière en développement durable pour les étudiants et étudiantes de premier cycle, entrevues par domaine, etc.

L’enquête Workforce of the Future (Main-d’œuvre du futur) de PwC a révélé que 88 % des personnes âgées de plus de dix ans veulent travailler dans une entreprise dont les valeurs reflètent les leurs. Malheureusement, en cette période de ralentissement économique, les jeunes diplômés et diplômées sont plus susceptibles d’accepter n’importe quel emploi disponible pour joindre les deux bouts, même s’il ne correspond pas à leurs compétences ou à leurs aspirations professionnelles à long terme. 

Les jeunes peuvent apporter de nouvelles perspectives, expériences et compétences qui sont essentielles pour relever les défis de notre pays. Le Canada ne peut pas se permettre d’avoir une génération qui lutte pour lancer sa carrière

Bien que tout le monde ne travaillera pas dans le domaine du développement durable, les questions de durabilité toucheront tous les emplois. La transition vers des organisations plus durables exigera un changement de mentalité de la part de l’ensemble de la main-d’œuvre, et non pas seulement d’une minorité de spécialistes du développement durable.

C’est pour cette raison que les écoles ont la responsabilité d’intégrer l’éducation au développement durable dans toutes les spécialisations afin de garantir que les étudiants acquièrent les compétences qui les prépareront à l’avenir. La connaissance du développement durable doit être considérée et enseignée comme une responsabilité éthique et comme un avantage concurrentiel. Cela peut se faire en partie en proposant davantage d’études de cas et de cours sur la durabilité (par exemple, la comptabilité durable, le marketing responsable), ou même en introduisant un cours obligatoire sur la durabilité.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

Nous sommes en plein milieu d’une lutte mondiale contre l’injustice raciale, y compris dans les écoles de gestion canadiennes.

Alors que les questions sociales et environnementales affectent disproportionnellement les groupes minorisés et à faibles revenus, les comités de direction et les conseils d’administration sont encore majoritairement composés de personnes blanches, principalement des hommes, ou privilégiées. Cette réalité s’applique également à la direction et aux conseils d’administration des universités.

Avec la confirmation que la diversité stimule l’innovation et les résultats financiers, le manque de diversité en termes de genre, d’origine, raciale, de capacité et d’orientation sexuelle est de plus en plus considéré comme un obstacle, voire un risque commercial.

De nombreuses organisations ont recours à des programmes de diversité et à des formations pour faire face à ce risque. Cependant, les recherches montrent que la plupart des programmes de diversité échouent. Cela se produit pour de nombreuses raisons, dont celles-ci :

  1. Les programmes ne sont pas dirigés par les personnes qu’ils cherchent à cibler, et excluent activement les jeunes;
  2. Les programmes ne bénéficient pas des ressources ou de l’influence adéquates au sein des opérations organisationnelles;
  3. Les programmes ne prennent pas en considération le racisme systémique;
  4. Les programmes ne prennent pas en compte le changement holistique nécessaire pour créer des espaces réellement inclusifs. 

On observe également une tendance vers la notion d’alliées « performatives », où les organisations s’expriment contre l’injustice raciale mais ne prennent pas de mesures concrètes et significatives. Dans les organisations, la direction doit prendre le temps et faire l’effort de transformer personnellement son point de vue et sa façon d’être.

Les entreprises canadiennes doivent tout particulièrement reconnaître et résoudre leur problème de diversité. Selon une étude de Corporate Knights, sur les 1639 membres des conseils d’administration de 178 entreprises canadiennes, seuls 74 postes étaient occupés par des personnes de couleur. 37 % des grandes entreprises canadiennes ne comptent pas une seule personne noire, autochtone ou de couleur dans leur conseil d’administration. Les entreprises ne doivent pas considérer la diversité comme un simple problème de ressources humaines. Elles doivent embaucher un directeur ou une directrice de la diversité, offrir des possibilités de développement des compétences, établir les paramètres appropriés et créer un sentiment d’appartenance. 

Si nous voulons parvenir à un avenir inclusif et équitable dans le monde du travail, nous devons également nous efforcer de faire progresser de manière significative la prospérité des peuples autochtones du Canada. Au Canada et dans le monde, les peuples autochtones ont démontré que la connaissance générationnelle de l’environnement et le renforcement des communautés apportent des idées novatrices pour aborder les questions environnementales et sociales. En d’autres termes, l’économie canadienne ne peut pas réussir si l’économie autochtone échoue

Au niveau universitaire, les écoles de gestion doivent répondre aux appels à l’action de la commission Vérité et réconciliation et promouvoir la réussite de l’économie autochtone en intégrant du contenu autochtone dans le programme d’administration des affaires de base et en incluant activement plus d’étudiants et étudiantes autochtones. Si l’écart au niveau de l’accès à l’éducation, à l’entrepreneuriat, à l’emploi et à la santé des communautés autochtones du Canada était comblé, il en résulterait une augmentation du PIB de 27,7 milliards de dollars par an, ce qui contribuerait à accroître la main-d’œuvre et à renforcer la cohésion de la société.

Enfin, la lutte antiraciste doit également s’étendre à l’ensemble des activités et des partenariats des entreprises. Les jeunes chefs d’entreprise doivent comprendre comment la police protège souvent les intérêts des entreprises au détriment des personnes. Cette situation est inacceptable pour des raisons tant éthiques que financières, car les données montrent que les actionnaires subissent un préjudice lorsque les entreprises ne divulguent pas d’informations sur la violence ou l’absence de consentement autochtone. Les entreprises et les gouvernements doivent également augmenter le nombre d’entreprises autochtones dans leur chaîne d’approvisionnement et permettre aux communautés autochtones de participer aux décisions et de disposer des ressources nécessaires pour façonner leur propre avenir. 

Bien que les programmes de diversité en entreprise doivent être étendus et améliorés, les entreprises doivent également éviter l’activisme performatif en allant plus loin que les ateliers sur la diversité et autres solutions rapides en matière de RH. Les preuves de l’hypocrisie des entreprises sont partout : Amazon a placardé « Black Lives Matter » sur tout son site web, mais refuse toujours d’accorder des congés de maladie payés ou le droit de se syndiquer à ses travailleurs et travailleuses d’entrepôt, qui sont majoritairement noirs. Larry Fink, PDG de la société d’investissement BlackRock, affirme que le racisme « doit être abordé à la fois au niveau personnel et systémique », et pourtant BlackRock est l’un des plus grands investisseurs des sociétés d’exploitation de prisons privées GEO Group et CoreCivic.

Bien trop souvent, les entreprises traitent la responsabilité sociale des entreprises, et notamment les pratiques en matière de diversité, comme une forme de relations publiques ou de « gestion des impressions ». De nombreux exemples sont donnés dans le récent livre « The System : Who rigged it and how we fix it » de Robert Reich, qui a servi sous trois présidents américains, dont le Conseil de transition économique du président Obama. En effet, il n’est pas rare d’entendre de grands dirigeants d’entreprise comme Jamie Dimon, PDG de JP Morgan Chase et président de la Business Roundtable qui réunit les PDG des principales entreprises américaines, condamner publiquement les inégalités de revenus, le racisme systémique, la brutalité policière et une foule d’autres problèmes. Cependant, leur réponse à ces problèmes consiste généralement à faire des dons à des organisations caritatives ou à lancer des campagnes très médiatisées telles que l’initiative « AdvancingCities » de JP Morgan dont le budget s’élève à 500 millions de dollars, sans réellement s’attaquer aux causes profondes de ces problèmes. Même si les initiatives de responsabilité sociale des entreprises sont aujourd’hui plus généreuses que jamais, les réductions d’impôts et l’aide aux entreprises continuent de limiter les fonds publics disponibles pour les programmes sociaux indispensables dont les groupes à faibles revenus et marginalisés bénéficient de manière disproportionnée. En effet, tout en professant se soucier de l’écart de richesse et de la disparition de la classe moyenne, Jamie Dimon a contribué à faire pression avec succès sur le congrès américain pour obtenir une réduction de 14 % de l’impôt sur les sociétés en 2017. Dans l’ensemble, JP Morgan Chase a accordé des prêts à faible coût, rénové des logements abordables et investi de l’argent dans la formation de la main-d’œuvre. Comme l’explique Robert Reich dans son livre : « Ce sont des efforts nobles, mais ils sont minuscules par rapport à la taille du problème qu’ils sont censés résoudre. Ils sont également minuscules par rapport au revenu net de JP Morgan, qui, en 2018, était environ cent fois supérieur à la taille de son programme de formation des travailleurs. Je dois également souligner que son revenu net de 30,7 milliards de dollars cette année-là était supérieur de plus d’un tiers à son revenu net de l’année précédente. Environ la moitié du gain entre 2017 et 2018 provenait des économies réalisées grâce à la gigantesque réduction de l’impôt sur les sociétés décrétée à la fin de 2017. »

Dans le même ordre d’idées, alors que la Business Roundtable a déclaré publiquement que les entreprises d’aujourd’hui doivent évoluer vers une forme plus inclusive de capitalisme participatif, elle a également fait discrètement pression contre toute augmentation du salaire minimum.

Si les entreprises ne s’engagent pas à payer leur juste part d’impôts et à mettre fin à leur lobbying antiprogressiste, il ne sera pas possible de réduire les inégalités systémiques qui continuent d’entraver la mobilité sociale des communautés à faible revenu et racialisées.

En corrigeant le système fiscal canadien, comme nous le verrons plus loin dans l’énoncé 17 du manifeste, nous nous assurerons que les entreprises et les classes privilégiées paient leur juste part afin de financer les services sociaux qui viennent en aide aux communautés moins privilégiées où les personnes noires, autochtones et de couleur sont surreprésentées.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

Les Objectifs de développement durable des Nations Unies mettent l’accent sur l’équité intergénérationnelle, ce qui signifie d’accorder la même valeur aux besoins des générations actuelles et futures. Afin de parvenir à un monde meilleur, les jeunes doivent être au cœur de la discussion. 

Les jeunes sont capables de faire avancer le dialogue, avec des initiatives telles que le Sommet montréalais de la jeunesse sur le commerce durable. Nous avons également fait nos preuves en matière de priorisation et de mise en œuvre de solutions climatiques.

Les entreprises du monde entier commencent à récolter les fruits de leur collaboration avec les jeunes pour développer des idées innovantes et préparer leurs activités pour l’avenir, et ce, en contribuant à créer la prochaine génération de dirigeants et dirigeantes.

Une pratique de plus en plus populaire consiste à mettre en place un programme de conseil d’administration parallèle (shadow board) pour intégrer des jeunes d’horizons divers pour conseiller, orienter ou gouverner l’entreprise. Il est important de créer des conseils consultatifs de jeunes, d’intégrer les jeunes dans les conseils d’administration ou les conseils consultatifs stratégiques, et de travailler avec des organisations dirigées par la jeunesse dans tous les domaines. 

Lorsque les employé·es ont un rôle dans la prise de décision, les entreprises sont souvent à la fois plus rentables et plus durables. Les écoles de gestion devraient adopter ce principe en ayant une représentation d’au moins 30 % d’étudiants et étudiantes dans leurs comités de gouvernance. 

L’initiative Positive Impact Rating (ou évaluation de l’impact positif), qui a été lancée lors du Forum économique mondial de 2020, est un outil utile qui permet aux jeunes dans les écoles de gestion d’évaluer l’impact positif de leur institution. Ce cadre aide les écoles à abandonner leur objectif d’être les meilleures du monde, pour plutôt devenir les meilleures pour le monde.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Les jeunes sont à l’origine de solutions collaboratives et innovantes en matière de climat, mais manquent souvent de fonds et de ressources pour renforcer leurs capacités. Que vous enseigne-t-on sur la façon d’obtenir un soutien pour les solutions climatiques menées par les jeunes?
  • Pensez-vous avoir les outils nécessaires pour participer à des structures de gouvernance visant à prévenir les injustices environnementales et sociales?
  • Que peut faire votre école pour changer la culture de recrutement en soulignant que la connaissance du développement durable comme avantage concurrentiel (même pour les postes plus traditionnels)?

Des solutions négligées mais cruciales

Le secteur privé ne pourra pas répondre seul à tous nos problèmes systémiques. Il y a présentement une dépendance excessive à l’égard des solutions du secteur privé, ce qui entraîne souvent un déplacement des rôles des secteurs public et social. En effet, il y a eu un transfert de richesse massif du secteur public vers le secteur privé; la richesse privée dans la plupart des pays à revenu élevé est passée de 200-350 % du revenu national en 1970 à 400-700 % aujourd’hui, alors que la richesse publique nette a diminué dans presque tous les pays.

Un rééquilibrage de la société est nécessaire pour atteindre les objectifs de développement durable. Cela implique de regagner le pouvoir du secteur privé pour faire plus de place aux initiatives sociales et du secteur public. 

Pour réussir à relever les grands défis actuels, il faudra que les institutions gouvernementales, les entreprises et les collectivités renforcent leurs efforts mutuels par la collaboration, plutôt que de travailler à contre-courant.

Nous devons reconnaître, respecter et valoriser les différences qui existent entre chaque secteur. Les pratiques et les cadres de gestion du secteur privé ne doivent pas être systématiquement transposés dans d’autres secteurs, car la recherche du profit n’est pas pertinente dans toutes les sphères de notre vie. Plus spécifiquement, les organisations à but non lucratif apportent une valeur considérable à la société et offrent des carrières intéressantes.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Connaissez-vous les compétences à posséder pour devenir un ou une leader dans les trois secteurs
  • Connaissez-vous les différences d’approche entre les secteurs privé, public et social et leurs leviers d’action et de changement respectifs?
  • Avez-vous recherché des stages ou des projets de recherche en dehors du secteur privé?
  • Les informations et l’expérience que vous avez acquises proviennent-elles de disciplines, de milieux et de secteurs différents? Ou provient-elle principalement d’écoles de gestion et d’organisations et de personnes du secteur privé?

La recherche montre que plus les gens accèdent au pouvoir, plus ils sont susceptibles d’adopter des comportements non éthiques. Les effets du pouvoir peuvent même être comparés à une forme de dommage cérébral, car le pouvoir rend les individus moins réticents au risque, plus impulsifs et moins aptes à déchiffrer les gens et les situations.

De nombreuses entreprises enfreignent délibérément les lois et paient les amendes qui s’ensuivent afin d’augmenter leur résultat global. Pour éviter les abus, il est essentiel que les entreprises suivent des principes éthiques et créent des structures claires de responsabilité et de transparence.

L’environnement commercial actuel comporte de nombreux dilemmes éthiques auxquels les dirigeants doivent être en mesure de faire face. L’essor des technologies numériques a permis l’émergence d’un tout nouveau modèle d’entreprise : le capitalisme de surveillance. L’accumulation et la manipulation de données personnelles présentent de grands risques pour notre société, car elles permettent une commercialisation de la nature humaine, une augmentation des problèmes de santé mentale, une polarisation politique et des fausses nouvelles, ainsi que de nombreux autres problèmes. Il est possible de traiter les données de manière éthique, mais nous devons apprendre comment.

L’intelligence artificielle entraînera le déplacement de plusieurs travailleurs et travailleuses et pourrait conduire à la création d’une « classe inutile ». Pour éviter une telle situation, les dirigeants devront tenir compte de l’impact de leurs décisions sur les communautés dans lesquelles leurs activités sont exercées.

L’éthique des affaires est également particulièrement importante pour le secteur des relations publiques, où des décisions non-éthiques ont permis à des firmes de mener des campagnes de désinformation complexes pour remettre en question le consensus scientifique sur les effets du tabagisme, les dangers des changements climatiques et d’autres menaces. 

Nous faisons face à de nouvelles exigences en termes de leadership, qui mettent davantage l’accent sur l’empathie, la transparence et la détermination. Les dirigeants et les dirigeants de demain ne peuvent pas seulement avoir des compétences stratégiques: ils et elles doivent également savoir prendre des décisions éthiques. 

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Qu’avez-vous appris sur l’éthique dans la finance (voir l’Annexe C)?
  • Si vous êtes dans le marketing, avez-vous appris ce qu’est le marketing social communautaire, un nouveau cadre qui aide les entreprises à mener leur marketing de manière plus éthique?
  • Comment l’éthique s’applique-t-elle à votre discipline?
  • Comment pouvez-vous arrimer votre travail et l’éthique pour mieux reconstruire après la COVID?

Bien que plusieurs des initiatives de développement durable des entreprises soient authentiques et significatives, elles se produisent principalement en dehors de l’arène démocratique et ne contribuent pas à rééquilibrer le pouvoir dans notre société

Sans l’effet médiateur d’un secteur public fort et d’un système fiscal redistributif, toute démocratie dotée d’une économie de libre marché court le risque de se transformer en oligarchie.

Depuis les années 1970, les riches intérêts commerciaux s’organisent en classe, avec des lobbyistes pour faire reculer les réglementations progressistes jugées contraignantes pour les affaires. Ils ont également créé des groupes de réflexion influents pour promouvoir des idées en faveur des entreprises telles que la réduction des dépenses publiques, la privatisation des actifs de l’État et la suppression des lois antitrust pour permettre la croissance de monopoles.

Avec la diminution des adhésions syndicales et la suppression des protections des travailleurs et travailleuses, la force de travail a aussi diminué, de sorte que les gains de productivité réalisés ne se sont pas traduits par des augmentations de salaire. L’appartenance à une communauté et l’affiliation à un groupe ont également diminué alors que les citoyens et citoyennes sont de plus en plus désintéressé·es de la politique et désillusionné·es quant à l’avenir. Ces changements ont conduit à un contexte politique dangereux dans lequel le clivage principal n’est plus entre la gauche et la droite mais plutôt entre les élites et les masses.

Avec la montée du populisme dans le monde occidental, les étudiants et étudiantes en administration ont la responsabilité d’anticiper et de comprendre les limites et les conséquences d’une désindustrialisation excessive et des accords de libre-échange sur les emplois de la classe ouvrière. Les fonds spéculatifs et certaines parties du capital-investissement ont joué un rôle historique dans la délocalisation des usines de fabrication pour maximiser les profits en remplaçant une main-d’œuvre plus « coûteuse », mais aussi dans la promotion de comportements socialement moins responsables de la part des entreprises en général. Par conséquent, les employé·es et les gestionnaires d’entreprise de la prochaine génération doivent absolument comprendre les conséquences de leurs actions afin d’éviter de reproduire les erreurs du passé.

Une grande proportion d’étudiants et étudiantes en administration des affaires se tournent vers les secteurs traditionnels de la finance et la consultation en gestion. Si ces choix de carrière sont bénéfiques pour certain·es, trop d’étudiant·es tombent dans le piège de la « carrière prestigieuse ». Bon nombre d’entre eux et elles sont socialement progressistes et s’expriment clairement contre le privilège blanc, la misogynie oules changements climatiques. Cependant, lorsqu’il s’agit de questions de classe et de pouvoir, plusieurs évitent la question. Bien que l’on puisse voir les ramifications politiques de l’inégalité croissante des revenus, rares sont les personnes qui en viendront à remettre en question le système qui les avantage de manière disproportionnée. En effet, leur travail consiste souvent, directement ou indirectement, à aider les riches à obtenir encore plus de richesse et de pouvoir.

Comme l’explique Andrew Yang, ancien candidat à la présidence des États-Unis et candidat à la mairie de New York, trop de personnes parmi les plus instruites de notre société choisissent des parcours professionnels qui ne créent pas nécessairement de la valeur pour la société. Nous devrions résister à l’invitation « à découvrir notre esprit d’entreprise plus tard » et plutôt créer maintenant des innovations et des emplois significatifs.

L’analyse de Daniel Markovits, professeur de droit à Yale, identifie le rôle central que les consultants en gestion ont joué dans l’amplification des inégalités de revenus et dans la concentration du pouvoir économique au sein de l’élite managériale.

Avant la révolution néolibérale des années 1970, de nombreuses entreprises avaient une approche managériale plus démocratique, avec différents niveaux de gestionnaires intermédiaires qui coordonnaient la production et aidaient à la création de valeur. Cependant, après la montée de la “primauté des actionnaires”, les consultants en gestion ont commencé à pousser les entreprises à poursuivre sans relâche la compression du personnel et la réduction des coûts de manière à augmenter leur résultat financier. Ceci mena à la réduction des effectifs même quand l’entreprise ne fait pas face à des difficultés et qu’elle va bien. 

La disparition des gestionnaires intermédiaires est directement liée à la montée des consultants en gestion, une industrie qui permet aux entreprises de remplacer des employés de longue date avec des “travailleurs de court terme, de mi-temps, ou même sous-traités, qui sont employés avec des contrats toujours plus contrôlés, qui vendent des compétences particulières ou même des résultats spécifiés, mais qui ne gèrent rien. À l’inverse, le déclin des gestionnaires intermédiaires a permis l’agrandissement du pouvoir des cadres supérieurs qui détiennent désormais un énorme contrôle et capturent la grande majorité des gains financiers issus de la gestion (ex., alors qu’au milieu du 20ème siècle le ou la PDG d’une grande entreprise gagnait en moyenne 20 fois le revenu d’un ouvrier, le ou la PDG d’aujourd’hui gagne près de 300 fois cette somme). Comme le montre la recherche de Markovits, la montée du conseil en gestion est une raison centrale pour les inégalités alarmantes de revenus et de richesse. Même si certains consultants spécialisés peuvent toujours apporter beaucoup de valeur aux entreprises, on ne peut pas espérer que les consultants en gestion essayeront de démanteler un système qui leur bénéficie principalement – peu importe à quel point ils sont brillants.

Il est également fort probable que l’intelligence artificielle entraîne le déplacement de plusieurs travailleurs et travailleuses et contribue à la création d’une « classe inutile ». Pour éviter une telle situation, les directions devront tenir compte de l’impact de leurs décisions sur les communautés dans lesquelles leurs activités sont exercées. Des chercheurs d’Oxford ont estimé que 47 % de tous les emplois actuels aux États-Unis présenteront un « risque élevé » d’automatisation au cours des deux prochaines décennies. L’institut McKinsey Global a prédit que jusqu’à 375 millions de personnes dans le monde pourraient voir leur emploi disparaître d’ici 2030 en raison de la numérisation. Bien que les technologies permettant de réduire la main-d’œuvre puissent faire croître l’économie à long terme, la plupart des personnes déplacées par l’automatisation seront contraintes de travailler pour des salaires nettement inférieurs dans des formes d’emploi précaire (c’est-à-dire dans l’économie à la demande ou la gig economy) ou seront confrontées au chômage de longue durée. Dans le pire scénario, les travailleurs déplacés peuvent réagir à leur dépossession économique en votant pour des politiciens démagogues. Aux États-Unis, par exemple, Donald Trump a fait ses plus grandes percées électorales dans les États de la Rust Belt où la révolution robotique a entraîné d’importantes pertes d’emplois. Les directions des entreprises doivent apprendre à prendre en compte l’impact de leurs décisions sur les communautés où elles opèrent, tout en investissant dans la formation des employé·es à la culture numérique. Les gouvernements doivent également répondre à cette crise émergente en mettant en place des mécanismes de protection sociale qui pourront alléger le fardeau du chômage structurel, comme le revenu de base universel.

Il existe une autre voie, celle qui consiste à prendre des mesures concrètes pour redistribuer le pouvoir dans notre société. La capacité des entreprises à influencer la politique doit être limitée par une réforme du financement des campagnes électorales et des restrictions sur le lobbying. Les travailleurs et travailleuses doivent être représenté·es au sein des conseils d’administration des entreprises, et celles-ci doivent réinvestir dans leurs employés et employées plutôt que de récompenser les actionnaires par des rachats et des dividendes. Les travailleurs et travailleuses doivent avoir le droit de se syndiquer, puisque les syndicats peuvent contribuer à augmenter les salaires de 20 %, à accroître la sécurité d’emploi et à offrir des avantages sociaux nécessaires. Plus important encore, nous devons surmonter la doctrine de la primauté des actionnaires en veillant à ce que les entreprises aient la responsabilité juridique de respecter les intérêts de toutes leurs parties prenantes, et pas seulement des actionnaires.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Comment notre système économique actuel concentre-t-il le pouvoir au sommet? 
  • Dans quelle mesure abordez-vous la notion de classe et de pouvoir dans vos études et dans vos conversations personnelles et professionnelles?
  • Envisagez-vous une carrière alternative à la « voie du succès » classique qui renforce souvent les problèmes inhérents à notre système?

La démocratie devrait être étendue au-delà du gouvernement pour inclure le secteur privé. La prise de décision collaborative est essentielle pour relever les grands défis de notre époque. En fait, certaines personnes affirment que pour les résoudre, nous devons passer de la propriété corporative à la démocratie économique

Des modèles démocratiques d’entreprises et d’organisations existent dans le paradigme de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ces organisations sont conçues pour produire des biens, des services et des connaissances en poursuivant des objectifs à la fois économiques et sociaux et en encourageant la solidarité sociale.

Dans un contexte d’inégalités croissantes, de dégradation de l’environnement et de perturbations économiques, l’économie sociale fournit à la société civile les moyens de répondre aux besoins des communautés.

Son côté intrinsèquement antidémocratique est autre raison de s’éloigner de la notion de la primauté de l’actionnaire et de s’orienter vers un modèle qui produit de la richesse pour la société dans son ensemble. Une partie de la solution passera par une relocalisation des économies et une évolution vers la propriété communautaire, comme l’illustre le remarquable documentaire « Demain ». Parmi les initiatives potentielles, citons par exemple la réorientation de l’épargne vers la communauté par le biais de banques communautaires.

La bonne nouvelle est que les entreprises détenues par les travailleurs et travailleuses s’en sortent mieux que les entreprises conventionnelles. Comme l’explique Social Capital Partners, basé à Toronto, le fait de distribuer plus d’actions aux employés et employées peut : 

  • les aider à accumuler de la richesse à long terme;
  • éviter les risques d’une nouvelle direction inexpérimentée après la vente de l’entreprise par les personnes fondatrices ou propriétaires; et
  • contourner les investisseurs privés qui achètent des entreprises en transition et privilégient les retours sur investissement rapides au moyen de fusions, de licenciements et de ventes d’actifs plutôt que la gestion de la croissance à long terme.

Aux États-Unis, où la législation encourage les entreprises à emprunter de l’argent pour transférer gratuitement des actions à leurs employé·es au fil du temps, la recherche indique que les entreprises détenues par les travailleurs et travailleuses se développent plus rapidement, réalisent des bénéfices plus élevés et paient mieux leurs employés et employées. Les États-Unis comptent aujourd’hui environ 6400 entreprises détenues par les travailleurs et travailleuses et ils et elles sont 14 millions à se partager une richesse de 1,4 milliard de dollars américains. En revanche, le Canada ne compte qu’une poignée d’entreprises de ce type, car les plans d’actionnariat pour les employé·es (ESOP) canadiens sont principalement conçus pour vendre des actions à une élite de cadres aisé·es. Les fonds de pension peuvent être un élément clé de la transition vers une plus grande démocratie économique.

L’ESS pourrait également être une solution à la part croissante des propriétaires d’entreprises qui partent à la retraite et qui cherchent à transmettre leur compagnie à la génération suivante. La distribution de cette propriété aux travailleurs et travailleuses diluerait la concentration du pouvoir économique et politique et contribuerait à créer un mouvement vers une plus grande démocratie économique.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Avez-vous appris à appliquer les principes démocratiques à d’autres secteurs que le gouvernement? 
  • Avez-vous pensé à lancer ou à rejoindre une organisation d’ESS plutôt qu’une start-up ou une entreprise traditionnelle?
  • Êtes-vous prêt à accepter des modèles plus démocratiques de gouvernance, de partage du pouvoir et d’imagination collective dans le monde du travail? 
  • Le centre de gestion de carrière de votre école invite-t-il les organisations d’ESS à participer à des salons de l’emploi?

Une analyse de l’Agence du revenu du Canada sur les impôts des sociétés de 2014 a indiqué que les entreprises canadiennes évitent de payer entre 9,4 et 11,4 milliards de dollars canadiens d’impôts chaque année, ce qui représente près de 30 % de la facture totale des impôts des sociétés. Ce calcul ne concerne que lévasion fiscale légale et exclut les évasions fiscales illégales et les stratégies de zone grise qui privent le public de milliards de dollars de revenus.

Dans les années 1950, la population et les entreprises versaient des montants égaux d’impôt sur le revenu au gouvernement canadien. Depuis, la balance a penché en faveur des entreprises. Les impôts des sociétés ont été réduits et les contribuables ont dû combler la différence. En 2015-2016, les Canadien·nes ont payé 145 milliards de dollars en impôts sur le revenu, contre 41 milliards pour les entreprises.

Le secteur de la finance représente plus des deux tiers de cet évitement fiscal. Selon Statistique Canada, les bénéfices avant impôt de l’ensemble du secteur bancaire ont augmenté de 60 % entre 2010 et 2015. Au cours de cette période, le taux d’imposition du secteur a baissé d’un montant presque équivalent. En conséquence, les grandes banques canadiennes ont le taux d’imposition le plus bas des pays du G7.

L’Association des banquiers canadiens (ABC) soutient depuis longtemps que toute modification fiscale ayant un impact sur les bénéfices des banques pourrait nuire à la population canadienne moyenne en raison de ses effets sur les pensions et les fonds communs de placement. Cependant, un rapport de Corporate Knights et The Star montre que plus de 80 % des actions canadiennes sont détenues par des étrangers et les 20 % de ménages les plus riches du pays.

Un autre argument historique contre l’augmentation de l’impôt sur les sociétés est qu’elle nuirait aux investissements des entreprises. Mais les chiffres de Statistique Canada montrent que les réductions drastiques du taux d’imposition des sociétés au cours des 20 dernières années n’ont pas stimulé les nouveaux investissements. Entre 1997 et 2016, le taux d’imposition des sociétés au Canada a été réduit de près de la moitié, passant de 43% à 26,7%, et pourtant les investissements dans la machinerie et la propriété intellectuelle sont toujours inférieurs au niveau de 1997 en pourcentage du PIB. Au lieu de cela, nous avons assisté à une augmentation massive d’activités difficiles à classer comme « productives » ou contributives à l’économie réelle telles que les rachats d’actions, les fortes augmentations de la rémunération des cadres et une augmentation considérable des activités de fusion.

Ces activités ont provoqué un boom des revenus et des richesses pour une infime partie de la population, tout en nuisant activement au reste du pays. Comme le démontre le même rapport de Corporate Knights et The Star, parmi les conséquences de la baisse de l’impôt sur les sociétés figurent une réduction de 40 % du nombre de lits d’hôpitaux entre 1952 et 2018, des milliers d’unités de logement social éliminées ou avec des factures de réparation de plusieurs milliards de dollars en raison d’un manque d’entretien, un sous-investissement dans les infrastructures publiques telles que les transports en commun.

Il est nécessaire d’adopter de meilleures politiques fiscales au niveau fédéral, mais nous devons également discuter davantage de la réforme du système fiscal international, qui permet actuellement un « nivellement par le bas » (c’est-à-dire une concurrence fiscale entre les pays), comme l’a montré le Sommet mondial de fiscalité organisé par TaxCOOP en 2020.

En matière de responsabilité sociale des entreprises, la recherche montre que les entreprises les mieux classées en termes de RSE paient moins d’impôts en moyenne. Ces données suggèrent que les dirigeants ou autres parties prenantes influentes des entreprises socialement responsables ne considèrent pas nécessairement le paiement d’impôts sur les sociétés comme un complément aux activités de RSE.

En parallèle, nous devons cesser de considérer les gouvernements comme des bureaucraties inefficaces qui ne font que réguler, réparer les dysfonctionnements du marché ou être un prêteur de dernier recours. Nous devons repenser les gouvernements comme des agents créatifs qui peuvent jouer un rôle crucial en tant qu’investisseurs, preneurs de risques et innovateurs. 

La RSE et le « capitalisme des parties prenantes » ne vont pas résoudre les inégalités de revenus, car la plupart de ces inégalités proviennent d’un transfert de pouvoir du secteur public vers le secteur privé. Afin de résoudre les inégalités économiques, nous devons réinvestir dans la sphère publique et mettre en place un système fiscal plus progressif. Cette démarche est particulièrement importante si l’on considère que plusieurs milliardaires et entreprises donnent à des œuvres de bienfaisance au lieu de payer leur juste part d’impôts.

La crise de la COVID-19 démontre clairement le besoin urgent d’une plus grande solidarité, plutôt que de plus de charité. Entre le 16 mars et le 16 mai 2020, les cinq milliardaires les plus riches du Canada et les cinq plus grandes entreprises technologiques ont consacré moins de 0,1 % de leur richesse à la lutte contre les effets de la pandémie, alors que leur richesse a augmenté respectivement de 9 % et de 7,7 % au cours de la même période.

Divers programmes sociaux, tels qu’un revenu de base universel canadien, contribueront à une répartition plus équitable des richesses. En Finlande, un projet pilote de revenu de base sur deux ans a montré qu’il permettait d’accroître l’emploi et le bien-être des personnes. Un système fiscal plus progressif permettra également de réaliser les investissements publics nécessaires à la construction d’une société sobre en carbone

La bonne nouvelle, c’est qu’au Canada, certain·es jeunes riches veulent payer plus d’impôts.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

Les entreprises avec des scores environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG) plus élevés ont mieux résisté que les autres aux impacts de la COVID-19 sur les marchés. Les investisseurs institutionnels canadiens s’accordent tous à dire que le mouvement en faveur de l’action et de la divulgation des données ESG va continuer à prendre de l’ampleur

Une grande partie de lintégration des ESG n’atténue pas vraiment certains risques climatiques et sociaux, ce qui rend de nombreux classements ESG coupables d’écoblanchiment. Par exemple, la plupart des fonds à faibles émissions de carbone ne tiennent pas compte des émissions de gaz à effet de serre de type 3 des entreprises, qui représentent jusqu’à 75 % des émissions totales d’une entreprise. Les facteurs ESG présentent également de sérieuses limites en termes de réduction des inégalités sociales.

Pour contrer la tendance de l’écoblanchiment, le gouvernement canadien a récemment mis en place un groupe d’experts sur la finance durable dont les recommandations finales incluent une réglementation accrue de l’espace ESG. De plus, depuis que COVID-19 a frappé les marchés financiers, le gouvernement a rendu obligatoire la publication de rapports annuels de divulgation climatique pour les grandes entreprises qui demandent certains prêts gouvernementaux. Ces divulgations sont conformes aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), un organisme créé en 2015 par les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du G20, dont Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d’Angleterre. Le GIFCC se préoccupe de la stabilité financière de nos économies face à une éventuelle mauvaise évaluation des actifs et une mauvaise allocation des capitaux par manque d’atténuation des risques climatiques. De manière générale, les entreprises appliquent de plus en plus les recommandations du GIFCC en suivant le cadre de divulgation établi par le Sustainability Accounting Standards Board (SASB, ou Conseil des normes comptables de développement durable). 

Les récents engagements à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 présentent de sérieuses limites : les compensations carbone ne sont pas toujours aussi efficaces qu’on le croit, et les réductions promises n’incluent pas les émissions de scope 3, qui représentent la grande majorité des émissions de la plupart des entreprises. Il existe de nombreux autres mythes et hypothèses trompeuses concernant les objectifs de réduction nette zéro que nous devons comprendre avant d’évaluer les engagements des entreprises. L’initiative Science-Based Targets (SBTi), qui a mis au point un processus d’évaluation spécifique à chaque grande industrie, constitue un cadre permettant de lutter contre l’écoblanchiment.

Si ces lignes directrices en matière d’établissement de rapports deviendront bientôt la norme pour les grandes entreprises, la main-d’œuvre n’est pas encore formée pour comprendre, mettre en œuvre et agir en fonction de ces lignes directrices. À cet égard, nos écoles ont un rôle crucial à jouer.

Nous devons également aller au-delà de la simple divulgation des risques climatiques et des impacts environnementaux ou sociaux négatifs pour commencer à mesurer la contribution positive des entreprises aux défis du développement durable. Pour ce faire, des cadres essentiels sont l’Impact Management Project, l’IRIS+ du Global Impact Investing Network et les ODD des Nations Unies, qui ensemble permettent aux entreprises de mesurer plus précisément leurs impacts positifs et négatifs.

Nous devons également commencer à prêter attention à lUnion Européenne pour ses travaux sur la réglementation de la finance durable, car elle est sur le point de devenir le leader mondial de la réglementation en matière de lutte contre l’écoblanchiment des ESG. Au Canada, Corporate Knights a mis au point une taxonomie des revenus propres 2.0 en code source ouvert, afin de déterminer ce qui doit et ne doit pas être considéré comme « vert ». Elle s’inspire des meilleures pratiques de la taxonomie des obligations climatiques, de la taxonomie durable de l’UE, du catalogue des projets approuvés par les obligations vertes de la Chine et de nombreuses autres ressources.

En matière d’équité, la tarification du risque climatique pourrait être un risque en soi. Lorsque les investisseurs sont confrontés à un risque, ils refusent d’investir ou exigent un rendement plus élevé en guise de compensation. Les régions les plus exposées aux dommages liés au climat pourraient devoir payer plus cher pour obtenir un financement. Comme les changements climatiques touchent de manière disproportionnée les pays plus pauvres et les communautés à faible revenu, qui sont souvent composées de personnes noires, autochtones et de couleur, la tarification du risque climatique est susceptible d’intensifier les inégalités et de laisser les zones touchées sans soutien. En l’absence de mesures de contrôle, la tarification des risques climatiques physiques pourrait entraîner une asymétrie du coût du capital. Heureusement, il existe des mesures politiques intelligentes qui peuvent garantir l’égalité d’accès aux assurances et au financement pour l’adaptation. Les investisseurs, les assureurs et les comptables ont la responsabilité de faire avancer le débat sur ces politiques. 

Enfin, s’il est essentiel de mieux comprendre les risques financiers liés aux changements climatiques, les outils de planification opérationnelle comme la prévention des risques ne pourront pas à eux seuls convaincre les sceptiques. Nous devons également apprendre que nous ne devrions pas toujours avoir besoin d’une analyse de rentabilité pour faire ce qui est juste.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

Le court-termisme au sein des organisations réduit l’innovation et la croissance à long terme de l’économie. Selon une étude de Morgan Stanley, 80 % des dirigeants et dirigeants ont déclaré donner consciemment la priorité aux mesures de valeur à court terme au détriment de la valeur actionnariale à long terme.

Les entreprises sont de plus en plus motivées à dépenser de l’argent pour des gains rapides à court terme qui souvent ne contribuent pas à l’économie réelle, comme le rachat d’actions ou les dividendes. Elles le font au détriment d’investissements à long terme dans des innovations de pointe ou des projets destinés à réduire leur exposition aux risques liés au développement durable. Lorsque le court-termisme est à son comble, il peut même stimuler un comportement corporatif malsain, voire criminel

Une solution possible consiste à encourager le développement de mesures de performance comptable à long terme, tout en mettant fin à l’obligation de publier des rapports trimestriels sur les résultats. Les entreprises les plus innovantes actuellement, telles que Google, refusent déjà de publier des prévisions de résultats trimestriels. Les entreprises doivent également être prêtes à obtenir des rendements plus faibles à court terme afin de gagner en résilience et en prospérité à long terme.

En ralentissant la culture d’entreprise et en s’orientant vers le long-termisme, nous pouvons également accroître la productivité des employés et employées. De nombreux pays européens permettent déjà à leur population de consacrer plus de temps à l’engagement communautaire, à leurs relations interpersonnelles, à leur bien-être personnel et à d’autres activités en dehors du travail. La France a le même taux de productivité que le Canada, mais sa main-d’œuvre a une meilleure santé mentale et dispose de plus de temps libre.

S’efforcer constamment d’accroître la productivité n’est pas bon pour la société. Alors que la journée de travail ne cesse de s’allonger, le travail moderne est devenu destructeur au niveau psychologique, ce qui provoque à la fois des burnouts et un sentiment d’aliénation. Nous devons être capables de remettre en question ce dogme de la productivité accrue afin de réinventer le travail et de remettre l’être humain au centre de la société.

En ce qui concerne les pratiques de bien-être à long terme, il est essentiel que les écoles fassent le lien entre le bien-être intérieur et extérieur dans le cadre de leur enseignement de l’innovation sociale et durable, afin de montrer que les grands problèmes mondiaux peuvent être résolus tout en prenant mieux soin de nous-mêmes. Le réseau WISE, qui travaille avec plus de 100 universités à travers le monde, a élaboré cinq grands principes dans ce sens.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

  • Comment le court-termisme affecte-t-il la prise de décision des entreprises? 
  • Comment les entreprises peuvent-elles évoluer vers des notions de valeur à plus long terme 
  • De combien de temps disposez-vous en dehors de votre travail pour contribuer à votre communauté?

Une croissance économique propre ou verte nécessiterait de dissocier la croissance économique de tous les impacts environnementaux critiques à l’échelle mondiale. Bien que la technologie et l’ingéniosité humaine nous aident à devenir plus efficaces en matière de ressources, elles ne nous permettront pas de réduire suffisamment nos émissions pour éviter les pires scénarios climatiques. En effet, ces améliorations technologiques ont souvent des conséquences imprévues, telles que les mécanismes de transfert de coûts (p. ex. l’externalisation des impacts environnementaux des pays à forte consommation vers les pays à faible consommation), les transferts de problèmes (p. ex. des solutions à un enjeu environnemental qui créent de nouveaux problèmes) et les effets rebond (p. ex. des économies réalisées grâce à l’efficacité énergétique qui entraînent une augmentation d’autres comportements à forte intensité en carbone). Nous ne pouvons pas non plus nous reposer sur des expériences complexes de géo-ingénierie dans l’espoir qu’elles puissent retarder la nécessité d’une transition complète vers le développement durable, ce qui risquerait d’endommager encore plus la biosphère.

Une récente revue de la littérature publiée par le Bureau européen de l’environnement (BEE) n’a trouvé aucune preuve qu’une dissociation absolue de la croissance économique et de l’utilisation des ressources se produise, ou soit susceptible de se produire. Tant que notre produit intérieur brut (PIB) continuera à croître, les émissions de CO2 augmenteront et l’environnement continuera de se dégrader. En d’autres termes, être en faveur d’une croissance économique infinie est généralement basé sur une idéologie plutôt que sur la science. Bien qu’il soit difficile d’imaginer un monde post-croissance en raison de ses implications complexes, nous devons être capables de faire ce qui est nécessaire pour parvenir à une société durable, et non pas seulement ce qui est politiquement acceptable.

Les économistes ont longtemps supposé qu’une croissance constante était nécessaire pour améliorer la vie des gens. Cependant, au-delà d’un certain niveau de développement, la relation entre le PIB et le bien-être des personnes s’effondre. Pour construire une société plus juste et limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faut redistribuer les ressources dont nous disposons déjà de manière plus équitable, plutôt que de continuer à faire croître l’ensemble du gâteau économique.

Au lieu de se demander si nous devons croître ou décroître, nous devrions nous demander ce qui doit croître et ce qui ne doit pas croître. Le terme « a-croissance » est préférable au terme « décroissance » car il signale une perte de confiance dans la croissance économique perpétuelle. L’a-croissance reconsidère ce à quoi nous attachons de l’importance en tant que société en redéfinissant ce que le PIB classe comme « richesse ». Les secteurs qui apportent de la valeur à la société sans trop nuire à la planète (par exemple, l’éducation, les soins de santé, les relations sociales, les énergies renouvelables dans une certaine mesure) doivent croître, tandis que les secteurs qui causent du tort doivent décroître.

L’a-croissance est le seul moyen de parvenir à une économie plus équitable qui reste dans les limites des capacités de la biosphère de la Terre. Heureusement, il existe des cadres concrets qui nous permettent d’envisager une société post-croissance et plusieurs penseurs et penseuses travaillent actuellement sur la question. Des modèles économiques alternatifs comme celui de Kate Raworth, l’économie Donut (Doughnut Economics), nous rappellent qu’une « économie saine doit être conçue pour prospérer, pas pour croître. » Les principes du « capitalisme régénérateur » appliquent les comportements des systèmes naturels (c’est-à-dire la capacité de la nature à s’auto-organiser, à se renouveler et à se régénérer) aux systèmes socioéconomiques. Ces principes régénérateurs cadre s’appliquent à toutes les industries. Par exemple, le cadre de la finance régénérative propose un plan de réforme réaliste pour le système financier, comme l’a avancé John Fullerton, ancien directeur général de JP Morgan.

Des entreprises et des communautés entières ont adopté ces modèles alternatifs depuis plusieurs années, et avec la reprise post-COVID, même les grandes villes comme Amsterdam, ont commencé à les utiliser. L’enseignement des affaires doit également inclure des études de cas qui mettent en évidence la résilience des communautés autochtones dont les traditions ancestrales reposent déjà sur des principes régénérateurs pour construire une prospérité sans croissance infinie. Cela fera de nous non seulement d’être de meilleur·es citoyens et citoyennes, mais aussi de prendre de meilleures décisions en affaires.

Questions pour auto-évaluer votre savoir :

Les partisans

Organisations de jeunesse

Le Manifeste a été rédigé par et en consultation avec 65 organisations de jeunes, dont des sociétés entières d’étudiant.e.s en commerce et des organisations sans but lucratif, qui comprennent plus de 1 000 jeunes dirigeant.e.s âgé.e.s de 18 à 35 ans impliqué.e.s dans des enjeux tels que le financement du climat et le leadership autochtone.

Organisations de la société civile

100 organisations de la société civile reconnaissant la nécessité de changements dans l’enseignement des affaires.

Cadres supérieur.e.s

Reconnaissant la nécessité de changements dans l’enseignement des affaires, 130 des cadres supérieur.e.s canadien.ne.s les plus influent.e.s en matière de durabilité ont signé le manifeste en leur nom propre (et non au nom de leur organisation).

Étudiant.e.s et ancien.ne.s

Plus de 1500 étudiant.e.s et ancien.ne.s ont reconnu la nécessité de réformer l’enseignement des affaires.